Pourquoi

On me demande souvent pourquoi je suis resté au Québec.
C'est vrai ça, pourquoi? J'élude souvent la question même si je connais une partie de la réponse.
Tout d'abord, il faut dire que changer de pays est... rafraichissant. On ne connait pas la politique, on n'y a pas développé de frustration... c'est pas mal pour faire table rase du passé.
Ensuite, j'avais le sentiment au bout de 2 sessions (8 mois) que je n'avais pas tout fait, qu'il me restait des choses à faire. Vous savez? je n'avais pas visité de cabane à sucre, pas fait de chiens de traineau (d'ailleurs toujours pas fait), pas visité Montréal (eh non!), pas vu d'aurores boréales (c'est toujours pas le cas), etc. À cela j'ajouterai que je n'avais pas découvert les joies de la St Jean à Québec, et surtout qu'à chaque fois que j'y vais je ne sais jamais ce qui va se passer ni comment je vais terminer (et j'en suis pas forcément fier).

Les français que j'ai rencontré ici se classent en 2 catégories: ceux qui peuvent rester et ceux qui ne pourront pas. La seconde catégorie est vite décrite: écoutez le français parler du Québec, dès son arrivée. Si il commence en dénigrant, bingo! il ne restera pas. C'est comme ça que Camille m'a sorti "leur accent, ça fait un peu paysan" ("et tes fesses, elles font paysannes?!") ce que je trouve insultant pour les Québécois et les paysans. On a ceux qui passent leur séjour à regarder les Québécois et le Québec comme si c'était un animal en train d'être disséqué. Eux non plus ne resteront pas...
Pour revenir à ceux de la première catégorie, celle des gens qui peuvent rester, il y a 3 types de gens dans cette catégorie:

• ceux qui resteront, pour un laps de temps indéterminé (moi)
• ceux qui rentreront, mais sans avoir de regret (Gaëlle?)
• ceux qui rentreront, mais qui vont déprimer, ou parler du Québec comme un acte manqué (mes copains Gégé, Philou, etc.). À chaque fois qu'ils évoquent leur vie Canadienne, il y a un petit serrement de gorge, une petite larme à l'œil... Une sorte de frustration selon moi. (même si ces gens jurent que non! pour rien au monde ils ne changeraient leur vie française actuelle)

Moi, je suis resté pour un tas de raisons.
Quand je suis arrivé, j'ai découvert la liberté. Je ne viens pas d'une famille aisée, mais le passé de ma famille, son histoire, m'étouffaient. Je m'en rends compte maintenant. Même si je suis toujours les règles morales enseignées, je ne pense pas constamment à l'histoire de la famille, alors qu'en France tout me le rappelait.
J'avais 3 grand-parents à mon premier voyage au Québec. Au dernier, je n'en avais plus aucun. Certes, perdre ses grand-parents avant 28 ans est plutôt la non-norme actuelle (moins si on sait que mon père m'a eu à 39 ans, et que du coup il est toujours pas grand-père on se venge comme on peut!), mais les histoires de famille qui peuvent en découler m'ont fait totalement rejeter cette famille. Je parle encore à une tante ou un oncle... sur la 10aine que j'avais, et encore d'une manière aseptisée. Et les cousins, c'est pas vraiment plus glorieux.
Et je me rend compte que rentrer en France me forcerait à faire face à mon passé, mais à mes démons, et surtout celui de la famille. Et je ne veux pas. Trop de frustrations, trop de colère... Être à 5000 kms m'a énormément aidé à trouver la paix.
Ensuite, oui, on peut rajouter tous les facteurs 'autres': qualité de vie, travail, adoption de Chat-de-Luxe, etc. J'avoue que j'ai trouvé un équilibre de vie ici aussi: je suis perdu dans un supermarché français, tandis que dans n'importe quelle épicerie ici, je trouve mes marques, mes repères... tout ce que j'ai perdu en France (oh! allez pas croire que je sais pas qui est Justin Bridou ou la laitière, ni quelle marque fait les meilleurs crèmes brulées (ben si, celles où on verse le sucre dessus et hop! 5 mins au four... J'ai pas pris 5kgs à Noël pour rien!))

Il y a des choses qui me manquent en France. Plus beaucoup en fait! Outre la famille (mais eux ont tendance à me suivre), dans les biens matériels auxquels je tiens il y a, assez paradoxalement les quelques meubles de famille, ou des meubles ou bibelots auxquels je tiens parce que je suis un sale matérialiste et bien sur la maison de mes parents. Idéalement, j'aimerai la déplacer pierre par pierre et la reconstruire (avec 2-3 améliorations:) ici, dans un coin tranquille.
On peut toujours rêver...

Enfin bon, ça je vais pas le sortir à un Québécois qui me demande pourquoi je suis resté, si? Alors j'élude ou je sors une histoire toute prête sur la qualité de vie ici. À la longue ça en devient quasiment trop facile mêmet.

Comments

[Erwan]

Gaelle -> la poutine, les émeutes à Montréal... Non, je sais, c'était de la provocation ;-) mais ça empêche pas que tu es partie du Québec!

Denis -> Bienvenu à toi et merci!
Je dirai même que certains ont l'air colonisateurs parfois... Comme ils font dans d'autres régions de France!
J'ai connu aussi les étudiants en échanges qui, à part pour jouer les vrais touristes, ne sortiront jamais du campus.

[Denis]

Je viens de découvrir - avec plaisir - ton blog. Intéssante ta note sur l'adaptabilité des Français ici au Québec. Suis (presque) 100% d'accord sur les 2 catégories. Beaucoup de nos compatriotes arrivent ici sans quitter leur "mentalité française": critique du pays d'accueil, comparaison systématique avec la France, déception par rapport aux attentes ... bref de la frustration, de l'amertume et un retour plus ou moins rapide vers l'Hexagone. Dommage !

[Gaelle]

Je ne suis pas rentrée, c'est quoi ces niaiseries ? :) Je suis partie ailleurs. OF COURSE que si je rentrais en France, je déprimerais et je repartirais rapidement pour le Québec. Je répète à qui veut l'entendre que si je retourne dans un pays francophone, ça sera le Québec. J'envisage pas de vivre en France.

Donc enlève le "rentrer". Partie ailleurs, allright. Sans regrets, m'oui, parce que la qualité de vie ici est tout aussi bonne qu'au Québec. C'est surtout les Québécois eux-mêmes qui me manquent ^^ Et la forêt, Tadoussac et le feu sur la plage...